action idéologique

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     Le lecteur aura sans doute remarqué que le dernier numéro consacré à la Révolution Palestinienne a marqué un tournant décisif dans l'itinéraire de Souffles.
     Dans le cadre de l'élargissement du champ de nos préoccupations, nous présentons ici une nouvelle rubrique intitulée : action idéologique.
     Vu l'abondante matière, nous nous contentons dans ce numéro d'exposer l'objet et le but de la rubrique et d'annoncer quelques-uns des thèmes qui seront abordés ultérieurement
     Tout d'abord le titre. Sans tomber dans les subtilités et les nuances terminologiques, nous disons d'emblée que le terme idéologie recouvre tout simplement pour nous le travail théorique qui vise à éclairer une action. Il s'agira donc de recherches, qui essaieront d'embrasser tous les aspects de notre praxis. Disons le mot, il s'agira de philosophie, mais dans son rapport avec l'histoire.
     Ici des précisions s'imposent. Nous ne voulons rivaliser ni avec l'agonisante Revue Philosophique et Littéraire, ni avec la Sainte Revue de Morale et de Métaphysique. Loin de nous autres, trop préoccupés par des problèmes terrestres, les virtuosités célestes des « éveilleurs de conscience ». De surcroît nous ignorons totalement les recettes des « soupes électriques » que nous servent les théoriciens cordons bleus de l'université bourgeoise. Ceux dont il a été dit que leur tâche essentielle est « d'abêtir le peuple ».
     La Philosophie qui nous intéresse est trop avertie de ses origines terrestres pour demander à l'homme de faire fi de sa condition. C'est là où réside tout le secret de son rapport à l'Histoire. Il s'agit de l'Histoire vécue, de notre Histoire d'hommes qui ne peuvent se définir que par la position qu'ils occupent dans la lutte, dans le combat que nos peuples livrent chaque jour à l'esclavage, l'oppression et l'exploitation.
     Mais au moment où la confusion règne dans un domaine dont il est inutile de rappeler l'importance, nous prétendons que l'initiative que nous prenons est une priorité. Il n'est qu'à rappeler les mésaventures de notre mouvement de libération nationale pour se convaincre de l'importance du travail théorique. Il suffit d'évoquer les grandes victoires du mouvement prolétarien et toute la littérature, militante qui les a accompagnées pour se représenter le rôle décisif que joue la clarification idéologique dans un processus de transformation révolutionnaire.
     Nombreux sont ceux qui brandissent aujourd'hui dans notre pays les armes culturelles. Visent-ils tous la même cible ? Nous en doutons fort. Et c'est essentiellement pour cette raison que nous lançons le débat. Parmi nos tâches primordiales, nous nous assignons celle d'élever la voix des larges masses laborieuses au-dessus de celle des élites tapageuses. Le moment est venu de se convaincre que les solutions qu'on nous a jusqu'ici présentées sont toutes caduques : ni retour aux sources prometteur de l'âge d'or ancestral ; ni marche tranquille de la sourde caravane égrenant les étapes dans le sillage des anciens maîtres ; ni raccourci technologique. Clerc, libéral et technophile ont tous fait faillite. Mais il ne suffit pas de le constater en essayiste, « lucide et impartial » ! Encore faut-il reconnaître la Voix. Elle ne peut être que celle du combat populaire. « Action idéologique » essaiera donc, dans la mesure du possible, d'éclairer ce combat. Elle n'oubliera jamais le vieux mot d'ordre : la philosophie au service de l'histoire, la théorie pour la pratique.
     Nous n'avons nulle envie d'enrichir les bibliographies des universitaires poussiéreux. Les chiens de garde n'auront rien à se mettre sous les crocs. Qu'ils regardent ailleurs. Nous ne serons ni objectifs ni scientistes. Notre langage ne sera pas le leur. Nous haïssons le jargon et l'ésotérisme, ce dernier rempart de la mystification.
     Refusant de soulever de faux problèmes, de faire la science pour la science et rejetant d'emblée les classifications universitaristes, nous ne faisons pas de place à ce qu'on a coutume d'appeler les sciences humaines. Notre seul critère sera le concret. Tous les problèmes (théoriques, sociaux, économiques, pédagogiques...) qui touchent notre situation et le combat des peuples luttant pour leur libération, trouveront leur place dans notre rubrique.
     Conscients que ce débat est en fait le commencement d'un combat, nous espérons apporter une modeste contribution à la clarification et à l'analyse de notre situation en vue de sa transformation.
     C'est ce qui importe maintenant.
     Vous lirez dans nos prochains numéros :
•    L'enseignement de la philosophie au Maroc et son contenu idéologique.
•    Fanon et son œuvre.
•    « L'Idéologie Arabe Contemporaine » de Laroui.
•    Le mouvement étudiant marocain : « mouvement d'élite ou mouvement de masse » ?

                                                                                                h. benaddi